Theory and History of Ontology by Raul Corazzon | e-mail: rc@
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Gambra, José Miguel. 2013. "La définition des relatifs dans les Catégories et son emploi dans les Topiques." Philosophie antique no. 13:225-242.
Résumé : "Le premier livre des Topiques constitue une sorte d’introduction théorique à la compilation de stratégies dialectiques présentée dans les livres centraux de cette oeuvre. Nombre des notions principales employées dans les règles d’inférence contenues dans les τόποι sont systématiquement exposées et ordonnées dans ce premier livre. Parmi elles, l’exemple le plus clair est celui des «prédicables». Il y a, néanmoins, d’autres notions, dont l’exposition doctrinale doit être recherchée dans les Catégories. Par exemple, les diverses sortes d’opposition entre termes, qui sont abondamment utilisées dans les Topiques, mais ne s’y trouvent pas définies. Dans cet article, je présente une analyse formelle des deux définitions des relatifs que l’on trouve dans Cat. 7, pour montrer ensuite comment elles sont employées dans les τόποι qui impliquent la prédication essentielle des relatifs,démontrant ainsi la cohérence de cette théorie et la dépendance étroite entre les deux oeuvres."
Gazziero, Leone. 2019. "οἰκείως τῇ λογικῇ πραγματείᾳ (Simplicii in Aristotelis categorias commentarium, 12.11). Contraintes disciplinaires – anciennes et modernes – de l’interprétation logique des Catégories d’Aristote." In Qu'est-ce qu'une catégorie? Interprétations d'Aristote, edited by Brière, Véronique and Lemaire, Juliette, 1-57. Louvain-la-Neuve: Peeters.
Abstract: "In addition to understanding the very notion of « category » according to its different Aristotelian contexts, the first order of business of an archaeology of Aristotle’s categories is to inquire into its influential evolution at the hands of Late Ancient commentators. The essay retraces the origin and development of the « logical » interpretation which held sway both in ancient and modern times. It shows first that the key to understand the debate between Benveniste and Derrida over Aristotle’s categories is to be found in the Neoplatonic exegesis of the work of the same name. It shows next the powerful dynamic that led the commentators to dismiss more than a few hints in the text itself in order to build a remarkably consistent interpretation that understood the notion of category as the simplest and most fundamental element in a building block theory of linguistic expression and argumentation."
Résumé : "Face au foisonnement qui caractérise l’instruction contemporaine du dossier des « catégories » d’Aristote, il est encore et toujours utile de suivre le fil historique inauguré par Adolf Trendelenburg, réinventé par Emile Benveniste et élevé par Jacques Derrida au rang d’impératif méthodologique. Le geste inaugural d’une archéologie de la notion de « catégorie » consiste donc à se prémunir contre le risque d’évacuer le problème historique des catégories à la faveur d’une catégorialité anachronique ou passe-partout : ce qui n’est possible qu’à condition de replacer les « catégories » dans les différents contextes aristotéliciens où elles sont utilisées et d’interroger les contraintes disciplinaires qui ont structuré le débat autour de leur nature chez les commentateurs de l’Antiquité tardive."
Goldschmidt, Victor. 1956. "La théorie aristotélicienne du lieu." In Mélanges de philosophie grecque offerts à Mgr. Diès par ses élèves, ses collègues, ses amis, 79-119. Paris: Vrin.
Repris dans V. Goldschmidt, Écrits, Tome I. Études de philosophie ancienne, Paris: Vrin, 1984, pp. 21-62.
Ildefonse, Frédérique. 2018. "Présentation a Adolf Trendelenburg, Les catégories d’Aristote." Les Études Philosophiques no. 183:337-343.
"Ainsi, toutes les parties du discours, peut-on penser, ont donné lieu à leur catégorie. Il reste certes les conjonctions ; mais, puisque les catégories sont issues de la dissolution de l’énoncé*, les conjonctions sont par elles mêmes exclues des catégories. Quant aux pronoms qui, une fois mise à part la matière propre des notions si l’on peut dire, ne conservent que la nature du genre, tant s’en faut qu’on puisse leur assigner des catégories propres, qu’ils ont imposé leur nom, à une grande partie de ces catégories. Ousia en effet est qualifié habituellement de tode ti**, par quoi on signifie ce qui est défini à tous égards de telle sorte qu’on puisse le montrer dans son lieu. La seconde et la troisième catégorie sont intitulées poson et poion, qui sont des pronoms adjectifs ; pou et pote, qui sont des expressions du lieu et du temps, pourraient être appelés des pronoms adverbiaux.
Voilà à peu près ce qui dans les catégories se ressent de son origine grammaticale.
Tel ne fut pas, pourtant, le tour d’esprit d’Aristote de ne s’attacher qu’aux simples formes de langues ; toutes les traces qu’il paraît en avoir décelées, il les a perfectionnées de façon à faire porter son investigation sur les contenus des notions, après avoir mis à l’écart ces formes." (p. 358)
(...)
"Donc, une fois abandonnée l’idée d’une origine pythagoricienne des catégories, il fallait rechercher leurs causes dans le système même de la philosophie aristotélicienne. Si nous avons réussi, sinon à mettre en évidence l’ensemble des causes, du moins à en élucider une espèce, qui ait conduit le philosophe à établir précisément ces genres de notions, il nous semble avoir en tout cas fait avancer la question." (p. 362)
* « Κατὰ μηδεμίαν συμπλοκὴν λεγόμεναι », Catégories, chap. 4 [1b25 ; « Ce qui se dit sans combinaison», p. 61]
** Cf. Aristote, De l’âme, I, 1, § 3 [412a], p. 206 de notre commentaire [Iéna, Walz, 1833].
Ildefonse, Frédérique, and Lallot, Jean. 2002. "Introduction." In Aristote. Catégories, 9-53. Paris: Éditions du Seuil.
"Ce qui frappe d’abord à la lecture des écrits de ces deux savants(39), c'est l’étroit parallélisme, à un premier niveau, des observations que leur inspire à chacun la liste du chapitre 4. Chacun d’eux à son tour(40) présente comme des évidences, d’une part, la relation qui unit les catégories à des classes linguistiques du grec - parties du discours ou sous-classes de l’une d’elles -, d’autre part, l’orientation de cette relation - de la catégorie de langue vers la catégorie de pensée." (p. 26)
(...)
"Confronté à de telles affirmations, plus d’un lecteur a élevé des objections, et chacun a pris position. Si nous devons le faire à notre tour, sur le point précis des rapports des catégories à la langue grecque, nous dirons ceci.
1) Comme nous l’avons noté à plusieurs reprises, la langue grecque, sous les espèces de ‘ce qui se dit’, est constamment présente dans la réflexion de l’auteur des Catégories. Un des exemples les plus forts à nos yeux du poids dont pèse la langue sur cette réflexion est la façon dont Aristote définit et traite la catégorie du relatif. Au-delà encore de ce que relèvent Trendelenburg et Benveniste, à savoir la prise en compte de la catégorie grammaticale du comparatif, la définition du relatif comme ce dont l’être même «est dit être d’autres (choses), ou, de quelque autre manière que ce soit, relativement à autre chose » renvoie, nul ne le conteste, à la construction syntaxique des relatifs, caractérisée par une complémentation adnominale, prototypiquement au génitif, occasionnellement à un autre cas. Dans l’examen de la catégorie au chapitre 7, la prégnance de cette composante syntaxique se manifeste à chaque instant(42).
2) Cela étant, nous ne pouvons pas ne pas prendre au sérieux le constat de correspondance entre catégories de langue et catégories de pensée qu’ont fait indépendamment l’un de l’autre, à un siècle d’intervalle, un grand historien de la logique et un grand linguiste.
3) Cependant, comme le montrent, entre autres, les critiques qui furent adressées à l’article de Benveniste, le problème se pose d’interpréter cette correspondance et de mesurer les conclusions qu’elle autorise. Paul Ricœur, dans la Métaphore vive(43), nous montre la voie pour avancer dans cette direction :
La corrélation établie par É. Benveniste est indiscutable, aussi longtemps qu’on considère seulement le trajet qui va des catégories d’Aristote, telles que celui-ci les énumère, en direction des catégories de langue. Mais qu’en est-il du trajet inverse?
Nous comprenons que ce qui est «indiscutable», c’est l’idée, commune à Benveniste et à Trendelenburg, selon laquelle la liste des dix catégories aristotéliciennes nous renvoie à des structures linguistiques du grec. Quant au «trajet inverse», nous y voyons celui que mentionnait Trendelenburg en termes d’« étude approfondie » (pertractatio), désignant par là l’élaboration philosophique des catégories ‘soufflées’, certes, par la langue, mais aussi assumées sélectivement, retravaillées et intégrées à un nouvel appareil conceptuel."
(39) Trendelenburg (1833, 1846) ; Benveniste (1958).
(40) Et chacun ayant le sentiment d’innover : « la chose n’a guère été vue», écrit Trendelenburg (1833 : 12); « pour peu qu’on prête attention à l’énoncé des catégories et aux exemples qui les illustrent, cette interprétation, non encore proposée apparemment... », fait écho Benveniste (1966 [1958] : 66). Le fait que Benveniste ait ignoré Trendelenburg ne donne que plus de force à la convergence des points de vue.
(42) Voir Glossaire : relatif.
(43) Ricœur 1975 : 328.
Références
Benveniste, Émile 1966. Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard.
Ricoueur, Paul 1975. La métaphore vive, Paris, Seuil.
Trendelenburg, Friedrich Adolf 1833. De Aristotelis categoriis, Berlin, Petsch (fac-similé in Reale 1994 : 376-399).
Trendelenburg, Friedrich Adolf 1846. Geschichte der Kategorienlehre (= Historische Beiträge zur Philosophie I), Berlin, Bethge (trad. ital. in Reale 1994 : 71-281.
Jaulin, Annick. 1996. "Form, individu et universel." Revue de Philosophie Ancienne no. 14:57-73.
"L'intitulé de ma communication : "Forme, individu et universel" tend à établir une partition entre la forme d'une part, l'individu et l'universel d'autre part. Cette partition reflète la distinction, proposée au livre Z, entre ce qui est nommé ousia prôtè - la forme -, et les deux sortes d'ousiai synoloi que sont l'universel et l'individu. Le développement de cette distinction, bien établie par le livre Z, me paraît de nature à éclairer les débats récurrents sur le fait de savoir si l'ousia est un universel ou un individu : l'ousia n'est ni l'un ni l'autre. La récurrence des débats (qui s'illustre par les conclusions opposées de deux livres parus la même année : 1988, M. Frede, G. Patzig, Metaphysik Z (München, Beck) pour qui l'ousia est un individu, tandis qu'elle est un universel pour M. Furth, Substance, Form and Psyche : An aristotelian Metaphysics (Cambridge University Press) me paraît être le signe de la non-pertinence de la question plus que celui de son aspect bien-fondé. Si, en outre, le fait de distinguer l'ousia, comme ousia prôtè, des deux formes de synoloi que sont l'universel et l'individu, permet d'établir la cohérence de la théorie de l'ousia proposée dans le traité des Catégories et dans les traités métaphysiques, il semble valoir la peine d'essayer de convaincre que cette distinction est nécessaire." (p. 57)
———. 2011. "Les Catégories d’Aristote : instrument ou doctrine ?" Revue Philosophique de la France et de l'Étranger no. 201:3-16.
"Il est sans doute important de rétablir le statut dialectique du traité des Catégories, car « les dialecticiens argumentent sur tout ; or l’être est commun à tout et, à l’évidence, ils argumentent sur ces questions parce qu’elles sont propres à la philosophie »(2). Ainsi les questions dialectiques sont également philosophiques. Sans ouvrir le dossier complexe du rapport entre dialectique et philosophie première chez Aristote, il suffit ici de rappeler qu’elles sont le fait de la même « puissance (dunamis) »(3). La question ne sera plus alors de savoir si la logique est un instrument ou une partie de la philosophie, mais si une philosophie peut aller plus loin que les instruments qu’elle se donne.
La Métaphysique ne semble pas utiliser dans la recherche des causes, lors de la critique des thèses platoniciennes, des instruments autres que les catégories. Quelles que soient les subtilités herméneutiques déployées par Porphyre et ses successeurs pour contourner, à partir de la primauté de la forme dans les traités métaphysiques, le statut premier des substances sensibles dans les Catégories(4), il semble difficile de nier que l’ordre instauré entre les substances par ce traité ait quelque conséquence doctrinale. La question principale sur les objets présentés par le traité se trouverait ainsi déplacée : elle ne concernerait plus tant la nature des objets que l’ordre de leur présentation." (p. 16)
(2) Métaphysique, Γ, 2, 1004b 19-22.
(3) Métaphysique, Γ, 2, 1004b 24.
(4) Voir sur ce débat, Lloyd P. Gerson, Aristotle and Other Platonists (2005, Cornell University Press), notamment ch. 3, « The Categories of Reality », p. 76-100.
Majolino, Claudio. 2004. "De la grammaire à l'ontologie et retour. Le rapport entre catégories de l'être et grammaire philosophique selon Trendelenburg et Marty." In Aristote au XIX siècle, edited by Thouard, Denis. Villeneuve d'Ascq: Presses Unversitaires du Septentrion.
"S’il est bien vrai que le propre de la logique c’est le jugement - dit Trendelenburg -, le lieu du vrai et du faux, et que dans le jugement il faut bien reconnaître une forme de synthèse (la συμπλοκή), tout le problème est dans la façon dont il faut comprendre la nature d’une telle synthèse. Or, la première Critique kantienne nous avait appris que les catégories sont déduites à partir des formes du jugement, et c’est en ce sens précis que Kant peut reprocher à Aristote de ne pas avoir suivi un critère systématique dans la compilation de sa table des catégories (KdrV, A 81/B 107). La critique kantienne à l’égard d’Aristote est double : n’ayant pas reconnu que la Verbindung [connexion] propre au jugement est à l’œuvre dans l’activité synthétique de I'entendement et, en dernière instance, de la connexion entre sujet et prédicat opérée par le Je pense - qui lie aussi bien le multiple dans l’intuition que le sujet et le prédicat dans le jugement -, Aristote n’a pas pu reconnaître non plus le seul critère qui préside à la déduction des catégories : le critère transcendantal. Deux objections donc, dont l’une est la prémisse de l’autre : 1) Aristote s’est trompé au sujet de la véritable nature de la synthèse et donc 2) il n’a pas suivi un critère cohérent pour la déduction des catégories.
Or, dans le texte de 1833, Trendelenburg répond aux deux objections en retournant contre Kant ses propres arguments. La thèse, d’ores et déjà exposée de façon claire et nette, est la suivante : chez Aristote les catégories sont tirées non pas des formes du jugement, mais plutôt de ses parties, et parce que Kant, lui, s’est trompé quant à la nature du caractère synthétique du jugement qu’il a pu accuser Aristote de ne pas avoir suivi un critère systématique pour la déduction des catégories." (pp. 85-86)
Mansion, Suzanne. 1946. "La première doctrine de la substance : la substance selon Aristote." Revue Philosophique de Louvain no. 44:349-369.
Repris dans S. Mansion, Études aristoteliciennes. Recueil d'articles, Louvain-la-Neuve: Éditions de l'Institut Supérieur de Philosophie, 1984, pp. 282-303.
———. 1949. "La doctrine aristotélicienne de la substance et le traité des Catégories." In Proceedings of the Tenth International Congress of Philosophy. Amsterdam (11-18th August, 1949), edited by Beth, Evert Willem, Pos, H.J. and Kollah, J.H.A., 1097-1100. Amsterdam: North-Holland.
Vol. I, fasc. 2.
Repris dans S. Mansion, Études aristoteliciennes. Recueil d'articles, Louvain-la-Neuve: Éditions de l'Institut Supérieur de Philosophie, 1984, pp. 305-308.
———. 1968. "Notes sur la doctrine des Catégories dans les Topiques." In Aristotle on Dialectic: The Topics. Proceedings of the Third Symposium Aristotelicum (Oxford, 1963), edited by Owen, Gwilym Ellis Lane, 189-201. Oxford: Clarendon Press.
Repris dans S. Mansion, Études aristoteliciennes. Recueil d'articles, Louvain-la-Neuve: Éditions de l'Institut Supérieur de Philosophie, 1984, pp. 169-182.
Mariani, Emanuele. 2018. "Le fils des catégories : Trendelenburg, Kant et la réception de l'Aristoteles Kategorienlehre (1846)." Les Études Philosophiques no. 183:447-462.
"C’est à Trendelenburg que revient le mérite d’avoir relevé la critique adressée à Aristote par Kant puis réitérée, dans une tout autre perspective, par Hegel à l’égard de l’absence d’un critère directif de la table des catégories, dont l’énumération n’aurait été que le résultat fortuit d’une rapsodie." (p. 448)
(...)
À défaut d’une solution en principe définitive, nous estimons que ces apories peuvent du moins indiquer la « question » avec laquelle l’analyse est appelée à se confronter. C’est là notre hypothèse de recherche qui nous amène à réévaluer la réception que l’Aristoteles Kategorienlehre a généralement rencontrée : dans les hésitations du texte aristotélicien, Trendelenburg entrevoit les lignes directrices d’un plus vaste projet en vue d’une nouvelle philosophia fundamentalis, à même de combiner logique et métaphysique(13)." (p. 451)
(13) 12. F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, p. 189 : « La doctrine des catégories » – nous lisons en 1846 – « ne trouvera son accomplissement que lorsque l’origine des concepts et la génération des choses procéderont ensemble. »
Morrison, Donald. 1993. "Le statut catégoriel des différences dans l' Organon." Revue Philosophique de la France et de l'Étranger no. 183:147-178.
"Il n'est pas facile d'arriver à comprendre clairement la conception aristotélicienne de la différence. Les théories d'Aristote sur la division, sur la définition, sur l'essence et la substance, sur l'explication scientifique et la démonstration, exercent toutes un effet sur la notion de différence ; et inversement, elles sont toutes affectées par cette notion.
De plus, la conception qu'Aristote s'est faite de la différence a évolué de façon significative dans le cours de sa carrière. Beaucoup des questions qui entourent la théorie aristotélicienne de la différence ont fait l'objet de discussions étendues. Mais il est un problème majeur qui n'a reçu que peu d'attention soutenue de la part des interprètes modernes : celui du statut catégoriel de la différence." (p. 147)
Narcy, Michel. 1980. "Qu'est-ce qu' un figure ? Une difficulté de la doctrine aristotélicienne de la qualité." In Concepts et catégories dans la pensée antique, edited by Aubenque, Pierre, 197-216. Paris: Vrin.
"Au chapitre 8 des Catégories, consacré à la qualité (ποώτης), Aristote, comme il l’a fait à propos des catégories précédentes (substance, quantité, relation), fait suivre son exposé de l’examen de deux questions : savoir, si dans l’ordre de la qualité (κατά το ποών 10 b 12) se trouvent contrariété (έναντώτης) et accroissement ou diminution (το μάλλον και τό ήττον). On peut noter d’ailleurs qu’à la réponse à ces deux questions se limiteront, au chapitre 9, les indications fournies au sujet des catégories de l’action et de la passion. Questions dont on a pu reconnaître qu’elles constituent comme l’application aux catégories aristotéliciennes d’un système catégorial plus ancien, provenant de l’Académie et dérivé, à travers le platonisme, du pythagorisme(1). Il peut paraître étrange de délimiter ici, en vue d’une étude de la catégorie de qualité, un passage d’allure adventice, où vient pour ainsi dire s’entrecroiser avec le fil de l’exposé d’Aristote, et contredire l’assurance de sa classification(2), une problématique qui semble d’autant moins lui appartenir en propre qu’elle contribue surtout à jeter le doute sur la cohérence de l’exposé qui précède." (p. 197)
1)Cf. Ph. Merlan, Beitrâge zur Geschichte des antiken Platonismus I. Philologus 89 (1934), pp. 44-46.
(2) Aristote distingue, rappelons-le, quatre sortes de qualités : état et disposition (έξις καί διάθεσις 8 b 26-9 a 13), aptitude et inaptitude (δύναμις-άδυναμία 9 a 14-27), qualités affectives et affections (παθητικαί ποιότητες καί πάθη 9 a 28-10 a 10), enfin figure et forme (σχήμα καί μορφή 10 a 11-26).
Nef, Frédéric. 2009. "Les catégories aristotéliciennes et la division de l’être : types de divisions et types d’ontologies." Cahiers de philosophie del’université de Caen no. 46:1-26.
"L’ontologie catégorielle a ses racines dans la doctrine aristotélicienne exposée dans le traité éponyme et plus particulièrement dans le fameux chapitre deuxième. L’interprétation de ce texte bute notamment sur deux problèmes : s’agit-il d’une division de la réalité ou de l’espace conceptuel ? Existe-t-il dans la doctrine d’Aristote des accidents individuels, des particuliers abstraits ? La réponse à ces questions détermine le sens de ce chapitre de l’histoire de l’ontologie. Je me propose de discuter de ces questions à la lumière de l’ontologie contemporaine. Les travaux récents de R. Chisholm et de E. J. Lowe en l’ontologie catégorielle montrent l’actualité de la doctrine aristotélicienne : la réponse aux questions que nous venons de mentionner n’a pas seulement des conséquences historiques, mais peut contribuer à déterminer la place des catégories dans l’ontologie et plus largement à poser le problème du découpage catégoriel de la réalité. Je commencerai par examiner le sens de la division de l’être, puis je livrerai quelques réflexions sur le texte d’Aristote, avant d’exposer les développements des représentations semi-formelles sous forme de représentations géométriques (carrés, arbres, cubes), puis je discuterai des propositions de E. J. Lowe.
L’hypothèse que je serai conduit à évaluer consiste à soutenir que dans l’histoire del’interprétation des Catégories il y a une corrélation, d’une part, entre le développementd’ontologies de constituant et les représentations sous forme d’arbres et, d’autre part, entre l’émergence d’ontologies des relations et les modèles sous forme de carrés. L’intérêt de ces carrés ontologiques est alors (si l’hypothèse a quelque vraisemblance) de contenir au moins en puissance une théorie des relations – une autre manière de voir les choses est de dire que ces représentations obligent à expliciter les relations entre les pôles des figures et jouent donc implicitement un rôle de catalyseur pour la réflexion." (pp. 1-2)
Références
R. Chisholm, A Realistic Theory of Categories: an Essay in Ontology, Cambridge, Cambridge University Press, 1996.
J. E. Lowe, The Four-Category Ontology, Oxford, Oxford University Press, 2006.
O'Brien, Denis. 1978. "Aristote et la catégorie de quantité : divisions de la quantité." Les Études Philosophiques:25-40.
"L'analyse de la quantité, au chapitre 6 des Catégories, se fonde principalement sur la distinction entre ce qui est discret et ce qui est continu (4 b 20 sqq.). La quantité discrète est représentée par le nombre et par le logos; la quantité continue, quant à elle, est représentée principalement par la ligne, la surface et le corps, et d'une façon complémentaire (cf. παρά ταύτα) par le temps et le lieu (4 b 20-25)." (p. 25)
———. 1980. "Aristote: quantité et contrariété. Une critique de l'école d' Oxford." In Concepts et catégories dans la pensée antique, edited by Aubenque, Pierre, 89-165. Paris: Vrin.
" L'école d'Oxford et le commentaire du Professeur J. L. Ackrill sur les ‘ Catégories ’ d'Aristote. L’influence de la philosophie dite « linguistique » ou « analytique » de l’école d’Oxford se fait ressentir dans plus d’une faculté de philosophie en Angleterre. Qui plus est, l’intérêt des philosophes de cette école ne s’est pas borné aux problèmes de la pensée contemporaine ; en effet, malgré l’esprit délibérément novateur — pour ne pas dire iconoclaste — d’un Ayer ou d’un Ryle, un intérêt porté à certains aspects de la philosophie de l’antiquité fait bien partie de la tradition qui s’inspire des ouvrages, Language, truth and logic (1936) et The concept of mind (1949) ; en témoignent, entre autres choses, les deux séries de la Clarendon Press dédiées, la première à Aristote (à partir de 1962), la seconde à Platon (à partir de 1973).
Les contributions à ces deux séries se caractérisent par des traits communs ; on y voit notamment une tendance à privilégier la portée proprement philosophique d’un ouvrage de l’antiquité, par rapport aux problèmes de philologie et d’histoire. Évidemment, cette manière d’aborder le sujet soulève des questions de méthode fondamentales pour la recherche sur la pensée de l’antiquité ; et je ne cache pas, pour ma part, les réserves que m’inspirent les réponses contenues implicitement dans les ouvrages parus jusqu’ici dans les deux collections citées.
Il ne s’agit pourtant pas d’approfondir ce problème en une soixantaine de pages ; ce n’est donc que pour signaler l’existence du problème, et pour poser un tout premier jalon, que l’exposé actuel s’est présenté sous la forme qu’il a. Je m’y suis borné, en effet, à l’étude d’un seul texte, et à l’examen du commentaire qu’en a fait l’un des adhérents les plus distingués de l’école d’Oxford. Le texte, celui des Catégories où Aristote cherche à montrer que les quantités ne peuvent pas avoir un rapport de contrariété (chap. 6, 5b11 sqq.) ; le commentaire, celui du Professeur J. L. Ackrill, qui occupe en ce moment une chaire de philosophie à l’Université d’Oxford, et qui s’intéresse notamment aux philosophes de l’antiquité.
Je ne m’en tiendrai pas cependant à une œuvre purement critique — à fabriquer le commentaire d’un commentaire ; en passant par la critique, j’espère pouvoir apporter des éléments positifs pour éclairer les problèmes, à la fois linguistiques et conceptuels, qui ont fait de ce texte l’un des plus difficiles dans le traité des Catégories." (pp. 89-90, notes omises)
———. 1980. "Bibliographie annotée des études principales sur le 'Catégories' d'Aristote 1794-1975." In Concepts et catégories dans la pensée antique, edited by Aubenque, Pierre, 1-22. Paris: Vrin.
Pellegrin, Pierre, and Crubellier, Michel. 2007. "Introduction." In Aristote. Catégories. Sur l'interprétation. Organon I-II, edited by Pellegrin, Pierre. Paris: GF Flammarion.
Introduction géenérale à l'Organon par Pierre Pellegrin.
Introduction, traduction, notes et index des Catégories par Peirre Pellegrin et Michel Crubellier.
Introduction, traduction, notes et index de Sur l'interprétation par Catherine Dalimier.
"A l’issue de cette brève présentation du texte des Catégories, beaucoup d’incertitudes demeurent. Non seulement nous n’avons pas tranché le problème de l’authenticité du traité, mais nous n’avons finalemenl même pas donné un argument qui rendrait l’authenticité plus probable que l’inauthenticité ou l’inverse. Au moins avons-nous tenté de relativiser l’importance de certains problèmes qui avaient paru cruciaux à nos prédécesseurs. Qu’importe, après tout, que nos Catégories aient été directement inspirées par Aristote ou soient le manuel d’un Péripatéticien tardif ? Ce qui est sûr, c’est qu’il reflète une doctrine qui est l’une des conditions d’existence de l’aristotélisme. (...) Quant à la question, qui elle aussi a paru fondamentale, de savoir si les Catégories penchaient du côté du dire ou de l’être, nous avons tenté de retrouver la tranquille assurance de l’auteur lui-même qui juxtapose sans l’ombre d’une réticence les deux points de vue. Il ne fait guère de doute qil'Aristote a conçu les catégories comme des types de prédication et/ou de prédicats, mais aussi comme une Mine de réseau qui structure la réalité. Mais nous n'avons pas déchu les Catégories de leur place capitale, pour reprendre l’image de Syrianus et de Simplicius." (pp. 86-87)
Pelletier, Yvan. 1987. "Le propos et le proème des Attributions (Catégories) d'Aristote." Laval Théologique et Philosophique no. 43:31-47.
Résumé : "Le but de cet article est de manifester qu'Aristote, dans ses Attributions (Catégories), a pour propos de fournir le prémier principe systématique de toute recherche de definition. Ce but est atteint en deux temps: 1) par l'exposé direct de la conception que s'en fait l'auteur de l'article; 2) par la verification de cette conception à travers une lecture rigoureuse des quatre premiers chapitres formant le proème aux Attributions."
Philippe, Marie-Dominique. 1958. "Le relatif dans la philosophie d'Aristote." Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques no. 42:689-710.
"Sans prétendre à une étude exhaustive, essayons ici de dégager la pensée d 'Aristote sur le relatif, selon les étapes suivantes : 1° partir des critiques qu'Aristote fait aux platoniciens sur ce point, puisque c'est à partir du platonisme et face à lui qu'il élabore sa propre philosophie ; 2° analyser Catégories. Il conviendra alors d'approfondir déterminer du point de vue métaphysique du relatif ; 4° ses modalités spécifiques dont Aristote le met en oeuvre dans ses divers traités." (pp. 689-690)
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"Voilà bien les deux catégories extrêmes [substance et relatif] qui s'éclairent mutuellement : l'une exprime ce qui est entièrement soi-même, ce qui ne dit référence à rien d'autre, ce qui constitue un «premier» tant dans l'ordre de la détermination que du point de vue de l'existence; l'autre exprime ce qui est pure référence à un autre, ce qui est entièrement dit en dépendance d'un autre ou orienté vers un autre, et qui par le fait même n'est en rien pour soi.
Ces deux catégories ne font d'ailleurs que traduire les deux manières extrêmes dont notre intelligence exprime le réel : ou bien comme un absolu ayant sa propre détermination et sa manière propre d'exister; ou bien comme un relatif totalement orienté vers un autre, incapable de posséder sa propre forme par lui-même." (p. 692)
Purnelle, Gérald. 1996. "La proportion des conjonctions de subordination dans six oeuvres d'Aristotle." In Aristotelica Secunda. Mélanges offerts a Christian Rutten, edited by Motte, André and Denooz, Joseph, 91-102. Liège: Université de Liège. Faculté de Philosophie et Lettres.
"Mon propos sera ici d'utiliser les méthodes habituelles de la stylométrie dans une perspective différente de celle des études de chronologie et d'authenticité, afin d'appréhender, indépendamment de ces implications, certains traits stylistiques des textes étudiés. Je m'intéresserai aux matériaux étudiés (les mots, les catégories, leur fréquence) pour eux-mêmes, en cherchant à déterminer la manière dont les emploie Aristote dans six de ses textes.
Les mots outils, même s'ils sont moins porteurs de sens que les mots pleins, n'en sont évidemment pas totalement exempts. Prépositions, conjonctions de subordination et même particules participent à la construction du sens de la phrase et du texte. S'il n'y a aucun inconvénient à regrouper toujours dans une même catégorie des mots tels que και. (conjonction) et τε, on conviendra que les conjonctions de subordination, par exemple, sont sémantiquement très différentes les unes des autres, et qu'une proposition causale n'est pas une consécutive. Il m'a dès lors paru intéressant d'aller plus loin que le simple dénombrement indifférencié des représentants d'une partie du discours, en éclatant l'une de ces catégories afin d'examiner la fréquence, dans quelques textes, de chacun des vocables qui lui appartiennent.
Dans cette perspective, les conjonctions de subordination constituent un premier cas intéressant à étudier. Les différents vocables qui entrent dans cette classe sont peu nombreux (bien moins que les substantifs, les verbes ou les adverbes), et ce sont typiquement des mots outils. En outre, en tant que telles, les conjonctions participent à la construction du sens du texte d'une manière différente, par exemple, de celle des prépositions : le niveau de syntaxe auquel elles participent (les propositions) est supérieur à celui des prépositions.
(...)
Les textes examinés sont au nombre de six ; ce sont ceux qui ont été lemmatisés et analysés au LASLA et ont été constitués en fichiers informatisés contenant, pour chaque mot, une code de catégorie grammaticale. Il s'agit des Catégories, du Traité de l'âme (De Anima), de la Métaphysique, des Parties des animaux, de la Physique et de la Poétique. Cet ensemble paraît relativement varié, où se mêlent traités de philosophie, de logique et de biologie." (p. 92, note omise)
Rutten, Christian. 1985. "Stylométrie des Catégories." In Aristotelica: mélanges offerts à Marcel de Corte, edited by Motte, André, 315-336. Bruxelles: Éditions Ousia.
Stevens, Annick. 2000. L'ontologie d'Aristote. Au carrefour du logique et du réel. Paris: Vrin.
"Les définitions de l’homonymie, de la synonymie et de la paronymie constituent la première partie du traité des Catégories, tandis que dans sa dernière partie figurent de nombreux exemples de termes plurivoques à propos desquels il n’est jamais précisé si cette plurivocité correspond à l’une des trois formes définies. Cette constatation, et aussi le fait qu’après les trois définitions le texte passe abruptement à une autre problématique, a pu faire douter de l’homogénéité du traité et, partant, de l’authenticité des chapitres 1 et 10-14. Cependant, dans toute son œuvre, Aristote utilise toujours ces termes en accord avec les définitions données ici et en reproduit quelquefois des parties (cf. Topiques, VI 10, 148 a 23 sq.) En outre, la disposition des problématiques ne doit pas nous étonner, car le traité des Catégories se veut un inventaire, successivement, des différentes portées sémantiques d’un mot (champ sémantique unique ou multiple), des différents types d’expressions (combinées ou non combinées), des différents statuts ontologiques auxquels renvoient les mots (sujet, attribut, inhérent), des principaux genres des étants (les dix catégories), et enfin de quelques déterminants qui peuvent s’appliquer à des étants de chaque genre (comme « opposé », « antérieur », « ensemble »...). On peut donc considérer les définitions fournies comme une base fiable pour aborder les termes plurivoques dans le corpus." (p. 62)
Surdu, Alexandru. 1971. "Interprétation symbolique des premiers chapitres des Catégories d'Aristote." Revue Roumaine de Philosophie et Logique no. 15:235-248.
Thillet, Pierre. 1960. "Remarques sur les Catégories d'Aristote." Mélanges de la Bibliothèque de la Sorbonne no. 8:28-36.
Thivel, Antoine. 1992. "Comment se forme un vocabulaire philosophique ? Essai de comparaison entre le grec, l'indien et le chinois." Lalies.Actes des Sessions de Linguistique et de Littérature no. 10:377-387.
Résumé : "La célèbre théorie de Benveniste sur les catégories de pensée et les catégories de langue, par laquelle il essayait de prouver que la pensée n'est qu'un reflet de la langue, en analysant les catégories selon Aristote, ne résiste pas à l'examen quand on essaie de l'illustrer par des comparaisons entre la philosophie et la grammaire en sanskrit et en chinois.
Les notions grammaticales sonî inconscientes et élaborées par le sens commun, tandis que les concepts fondamenraux mis au point par les philosophes sont une formalisation consciente des idées cosmologiques de chaque peuple."
Thouard, Denis. 2004. "Une métacritique des catégories : l'usage critique d'Aristote chez Trendelenburg." In Aristote au XIX siècle, edited by Thouard, Denis, 37-62. Villeneuve d'Ascq: Presses Unversitaires du Septentrion.
"Aristote est un partenaire essentiel pour la discussion de la question des catégories qui fut vive au cours du siècle. Remise par Kant à l’ordre du jour, cette question fut l’un des enjeux de l’idéalisme, en tant que celui-ci s’est donné pour tâche de ramener la pensée à ses conditions subjectives : non seulement ce qui apparaît, le phénomène, n’est qu’à la condition d’être présenté en tant que tel dans les formes générales de la subctivité, mais les grandes fonctions de la pensée, qui lui donnent un contenu déterminé et se répartissent en catégories, sont intégralement réductibles à l’auto-position de la subjectivité. Le primat du jugement établi par Kant doit être fondé par la réconduction des catégories à l’acte de la pensée. Autrement dit, la déductibilité des catégories est une pièce décisive du projet idéaliste en tant qu’il a partie liée avec l’élaboration du «synthétique a priori». Mais cette recherche d'un unique fondement des catégories a suscité des réserves sceptiques. Ces réticences se sont volontiers exprimées à travers un retour à Aristote, retour qui signifiait dans le même temps une interrogation sur la formation de la langue de la philosophie, sur le vocabulaire grec des catégories, sur le latin scolaire et sur la philosophie en langue nationale. L’attention aux catégories s’inscrit, comme on peut le montrer, dans la problématique générale de la métacritique, autrement dit d’une remise en question de la critique kantienne à partir du langage, soit pour l’invalider, soit pour la compléter. Cette orientation, quasiment contemporaine de la critique kantienne, a nourri l’opposition à l’idéalisme philosophique avant d’être reprise dans l’orientation anti-spéculative de la «critique du langage» ou Sprachkritik, puis dans la réduction de la philosophie à l’analyse du langage." (p. 37, une note omise)
Touratier, Christian. 1992. "Catégories de langue et catégories de pensée : (Benveniste lecteur d'Aristote)." Lalies.Actes des Sessions de Linguistique et de Littérature no. 10:367-376.
Résumé : "Alors que Benveniste pense que les catégories de la logique d'Aristote ne sont que la transposition des catégories de la langue grecque, on essaie de montrer que, même chez Aristote, les catégories linguistiques ne sont pas parallèles aux catégories logiques, et que s'il y a parallélisme c'est entre les catégories aristotéliciennes et les définitions logicisantes des catégories linguistiques, que la tradition grammaticale a du reste abusivement empruntées à la logique d'Aristote elle-même."
Trendelenburg, Friedrich Adolf. 2018. "Les Catégories d'Aristote." Les Études Philosophiques no. 183:345-362.
"Ainsi, toutes les parties du discours, peut-on penser, ont donné lieu à leur catégorie. Il reste certes les conjonctions ; mais, puisque les catégories sont issues de la dissolution de l’énoncé*, les conjonctions sont par elles mêmes exclues des catégories. Quant aux pronoms qui, une fois mise à part la matière propre des notions si l’on peut dire, ne conservent que la nature du genre, tant s’en faut qu’on puisse leur assigner des catégories propres, qu’ils ont imposé leur nom, à une grande partie de ces catégories. Ousia en effet est qualifié habituellement de tode ti**, par quoi on signifie ce qui est défini à tous égards de telle sorte qu’on puisse le montrer dans son lieu. La seconde et la troisième catégorie sont intitulées poson et poion, qui sont des pronoms adjectifs ; pou et pote, qui sont des expressions du lieu et du temps, pourraient être appelés des pronoms adverbiaux.
Voilà à peu près ce qui dans les catégories se ressent de son origine grammaticale.
Tel ne fut pas, pourtant, le tour d’esprit d’Aristote de ne s’attacher qu’aux simples formes de langues ; toutes les traces qu’il paraît en avoir décelées, il les a perfectionnées de façon à faire porter son investigation sur les contenus des notions, après avoir mis à l’écart ces formes." (p. 358)
(...)
"Donc, une fois abandonnée l’idée d’une origine pythagoricienne des catégories, il fallait rechercher leurs causes dans le système même de la philosophie aristotélicienne. Si nous avons réussi, sinon à mettre en évidence l’ensemble des causes, du moins à en élucider une espèce, qui ait conduit le philosophe à établir précisément ces genres de notions, il nous semble avoir en tout cas fait avancer la question." (p. 362)
* « Κατὰ μηδεμίαν συμπλοκὴν λεγόμεναι », Catégories, chap. 4 [1b25 ; « Ce qui se dit sans combinaison », p. 61]
** Cf. Aristote, De l’âme, I, 1, § 3 [412a], p. 206 de notre commentaire [Iéna, Walz, 1833].
van Aubel, Madeleine. 1963. "Accident, catégories et prédicables dans l'oeuvre d'Aristote." Revue Philosophique de Louvain no. 61:361-401.
"La philosophie scolastique, lorsqu · elle définit la notion d'accident, accorde à ce terme, c'est bien connu, une double signification.
Elle parle d'accident logique (ou prédicable) et d'accident métaphysique (ou prédicamental).
Cette présentation, qui se réfère à deux théories bien distinctes - la théorie métaphysique des Catégories ou genres suprêmes de l'être, et celle des prédicables ou modes de la prédication -, se réclame d'ordinaire directement de la philosophie de saint Thomas, et indirectement de celle d'Aristote.
Or, lorsqu'on entreprend l'étude du sens qu'avait pour Aristote le terme το συμβεβηκός - traduit accidens par les scolastiques -, on est amené bien vite à se demander s'il est permis d'attribuer à Aristote la distinction précise et explicite établie depuis des siècles entre l'accident logique et l'accident ontologique.
Car, s'il est indiscutable que l'on trouve chez Aristote tous les éléments qui ont permis la distinction aujourd'hui nettement définie entre les deux théories dont nous parlons, il n'apparaît cependant pas de façon aussi claire qu'elle soit déjà Jormellement perçue par Aristote, que celui-ci ait déjà présenté comme tels un accident logique et un accident métaphysique bien distincts l'un de l'autre.
Face à cette constatation, nous nous sommes posé la question qui constituera l'objet de cette étude : comment Aristote comprenait-il l'accident ?
Cela nous force d'ailleurs à nous demander préalablement ce que représentaient pour le Stagirite la théorie des prédicables et celle des catégories, et à tenter ensuite de déterminer la place qu'occupait la notion d'accident dans la pensée du philosophe." (p. 361)
van Schilfgaarde, Paul. 1963. "Les catégories d'Aristote." Revue de Métaphysique et de Morale no. 68:257-267.
"Par catégories aristotéliciennes, on entend le plus souvent des énonciations, déclarations, expressions, prédicats; mais le verbe grec signifie " s'adresser à " avec le sens accessoire d'accuser, obliger. Je ne discute pas ce qu'ont entendu les autres, dans une autre façon de penser, cette notion : dans l'esprit d'Aristote la vérité du monde ou de l'univers est adressée par les catégories et en même temps cette vérité est jugée responsable de cette dénomination ou qualification, de telle façon ce n'est pas l'homme qui en raisonnant attribuerait quelque chose monde ou qui ferait des observations plus ou moins véridiques sur monde (thèse jusqu'à présent maintenue par un nominalisme soit ouvert, soit déguisé) ; mais bien que le monde est appelé par la raison l'homme par son vrai nom - un appel qui à la fois contient un défi une accusation. Si l'on s'adresse, par exemple, à la nature animale par désignation " cruelle ", sous condition que ce nom soit accepté par nature animale (c'est-à-dire qu'il soit " vrai "), alors cette nature male est responsable (dans le sens scientifique, non pas dans le moral) de sa crudélité et en porte la " culpabilité ". "(p. 257, notes omises)
Villevieille, Laurent. 2018. "Du « Je parle » au « Je pense » : l'origine des catégories selon Trendelenburg et Brentano." Philosophie:39-54.
"La présente étude n’entend donc pas établir l’importance, pour la lecture d’Aristote, de l’apport trendelenburgien, auquel de nombreux travaux, ces dernières décennies, ont pleinement rendu justice. Encore moins vise-t-elle à donner raison à Trendelenburg dans le débat qui l’oppose à Bonitz. Elle tente plutôt de débusquer, derrière le débat avec Bonitz qui, justement, leur ont longtemps fait écran, les enjeux proprement philosophiques de l’interprétation trendelenburgienne des catégories d’Aristote. Nous tenterons en effet de montrer que ces enjeux exigent, au-delà de la fausse alternative bonitzienne entre catégories de langue et catégories de l’être, de reconduire la lecture trendelenburgienne à la véritable alternative où elle s’inscrit : l’alternative entre catégories de langue et catégories de pensée.
Sans doute la meilleure illustration de ce débat décisif peut-elle être trouvée, comme nous le verrons un peu plus loin, dans le rapport que le plus illustre élève de Trendelenburg, Franz Brentano, a entretenu avec l’héritage de son maître." (p. 40)
Vuillemin, Jules. 1967. "Le système des Catégories d'Aristote et sa signification logique et métaphysique." In De la logique à la théologie. Cinq études sur Aristote, 44-125. Paris: Flammarion.
Deuxième étude: Le sistème des Catégories d'Aristote et sa signification logique et métaphysique, p. 44-125.
"Dans la querelle toujours renaissante concernant la signification des catégories d’Aristote, un linguiste éminent(1) est intervenu pour montrer que celles-ci appartiennent d’abord à la langue grecque et que si l’on prétend les traduire dans une langue très eloignee du groupe indo-européen, la même notion se voit exprimée par plusieurs catégories linguistiques sans que d’ailleurs ces categories possèdent, pour tout autre que pour un sujet formé a la langue grecque, une unité propre." (p. 75)
(...)
"Cette démonstration possède un double mérite.
D’abord, elle fait apercevoir l’organisation de la table des catégories à laquelle on avait toujours reproché son caractère rhapsodique.(2) Les six premières catégories se réfèrent toutes à des formes nominales, les quatre dernières à des formes verbales." (p. 75)
(..)
"En second lieu, on conclut que, croyant classer des notions, Aristote a classé en réalité des catégories de langue, eu sorte que les particularités de la langue grecque ont dominé le destin de la philosophie en Occident.
Cette seconde conclusion, toutefois, outrepasse ce que l’argumentation a démontré. En effet, de ce qu’une philosophie emprunte aux oppositions d’une langue les concepts et les oppositions reconnues fondamentales pour la pensée, il est légitime de conclure non seulement que la langue propose ses suggestions à la pensée, mais qu’il est impossible de penser ce qui n’y est pas exprimé; toutefois, il est illégitime de conclure que la table des catégories de la pensée reflète celle des catégories de la langue. Pour pouvoir aller jusque- là, il faudrait avoir montré que le tableau des catégories empruntées à la langue est aussi le tableau complet de ces catégories quant à la langue. Dans le cas contraire, il y aura sélection et, si le philosophe choisit dans les catégories linguistiques, c'est que son choix n’est précisément plus dicté uniquement par la considération de la langue. Or c’est bien ce qui se passe, puisqu’on ne saurait prétendre que la structure des catégories de la langue grecque est exhaustivement exposée dans le tableau d’Aristote.
En fait, celui-ci suit une articulation logique qui, en même temps, possède une portée ontologique et c’est en ressaisissant la nature de cette articulation, une fois qu’elle a été mise au jour par l’analyse de la langue, qu’on trouvera peut-être le fil directeur de la déduction aristotélicienne, qui semble avoir jusqu’ici échappé à l’analyse." (pp. 76-77)
(2) Par exemple Kant, Critique delà raison pure, trad. Tremesaygues et Pacaud, p. 95
Zaslawski, D. 1969. "Termes, propositions, contrariété et contradiction." L'Âge de la Science no. 2:21-54.
Zhang, Yijing. 2019. "Les catégories d'Aristote à l'épreuve du «sophiste» chinois Gongsun Long." Revue Philosophique de Louvain no. 117:3-30.
Résumé : "Confrontées au chinois, l’universalité des catégories aristotéliciennes pose deux questions: (1) ces catégories sont-elles traduisibles en chinois? (2) La pensée chinoise possède-t-elle les mêmes catégories? Nous les examinons ici l’une et l’autre par le biais d’une aporie célèbre: «Cheval blanc n’est pas cheval» – cas où les deux traditions philosophiques sont les plus «comparables» puisqu’il s’agit du même problème du rapport entre la couleur blanche et un corps blanc, mais aussi les plus «incomparables» puisque les différences linguistiques et philosophiques sont très frappantes. En réinterrogeant les positions de certains chercheurs modernes qui défendent, les uns l’universalité de la logique aristotélicienne, les autres la singularité de la pensée chinoise, nous mettons en lumière la difficulté à se dégager des concepts occidentaux en interprétant la pensée chinoise, difficulté par excellence de tout dialogue transculturel."